C’est en journée que l’armée des éboueurs répartis sur le territoire de chaque arrondissement se remarque le plus. Nettoyage des trottoirs et des rues, collecte des encombrants et débarrassage des marchés forment le quotidien des équipes chargés d’assurer la propreté de la ville. Après les ripeurs accrochés à l’arrière des camions-poubelles, nous sommes allés à la rencontre de leurs collègues du 15e qui interviennent pour faire disparaître les objets sales et les déchets jetés par les habitants.

Il est midi passé quand les premiers éboueurs du service du matin passent la porte de l’imposante bâtisse de la rue Cauchy (15e). À l’ombre du parc André Citroën, le local technique situé à deux pas de la Seine voit passer le roulement quotidien des agents. L’équipe de l’après-midi converge progressivement vers le lieu. Ils se changent rapidement avant d’assister à la répartition du jour et de découvrir leur parcours dans les camions.
« C’est ici que sont basés une partie des engins-laveurs du 15e qui interviennent sur la moitié de l’arrondissement. Chaque secteur comprend plusieurs zones de balayage et de lavage » explique Frédéric, superviseur de deux ateliers au sein de la Direction de la Propreté et de l’Eau (DPE) de la Ville de Paris. « Il y a beaucoup de commerces dans cet arrondissement qui est aussi le plus peuplé de la capitale (230 000 habitants). C’est le plus grand en surface ! » précise Frédéric, qui connaît bien Paris et la DPE pour y avoir fait toute sa carrière.

Intervenir au plus près des habitants
« On a un logiciel qui s’appelle ‘Dans ma rue’. Les riverains peuvent signaler sur l’application les anomalies. Chaque signalement donne lieu à une intervention des équipes. » Frédéric s’interrompt. Les duos formés par les équipiers s’apprêtent à démarrer leur service. Il est temps de gagner la voiture pour rejoindre Sylvie et Olivier. Tous les deux ont accepté d’être suivis dans leur tournée qui commence au nettoyage des rues et se poursuit au débarrassage sur le marché.
« C’est nous le ‘Goupil’, note Sylvie. Il s’agit du petit véhicule de la Mairie de Paris qui s’occupe du service « Urgence Propreté » [via l’application ‘Dans ma rue’]. On a un gilet orange et un véhicule spécial qui est différent des autres. » Lancé rue de la Convention, l’engin file vers Montparnasse. L’objectif : vider les poubelles Big Belly [Poubelles intelligentes auto-compactantes] disposées près de l’entrée principale de la gare, sur l’esplanade. Le véhicule léger se fraye un chemin entre les voyageurs et leurs valises pour accéder aux poubelles.




Une fois l’opération terminée, le duo continue sa tournée en suivant les indications du logiciel. Jouets pour enfant, tancarvilles, petit mobilier et cartons en tout genre sont dégagés du trottoir à chaque arrêt. Ils atterrissent au fond de la benne qui se remplit rapidement. Les objets dont les Parisiens ne veulent plus sont nombreux en cette fin de semaine. Encore un arrêt puis direction la déchetterie, située près d’un échangeur sous le boulevard périphérique. « Les véhicules tournent tout le temps, matin et après-midi. Il faut donc les changer tous les deux à trois ans » constate Frédéric en mettant son clignotant pour les suivre.

Fin de marché à Lecourbe
15 heures approchent. Il est temps de se rendre au bout de la rue Lecourbe où le marché du matin vient de se terminer. Les légumes indésirables et les cageots vides en équilibre forment des pyramides disposées au pied des barres métalliques qui délimitent l’emplacement du marché sur toute la longueur de la rue. Plusieurs équipes et leurs véhicules aux noms évocateurs sont déjà là. « Chaque véhicule a son propre nom. Le grand véhicule de nettoyage avec le jet d’eau s’appelle un ‘Lama’. La petite machine d’eau à côté, c’est le ‘Haricot’. Le ‘Goupil’ est l’engin avec lequel on a tourné avant » liste Sylvie, un balai à la main. L’arrivée de Jean-Hugues, l’un des chefs, lance le début des opérations.
Il supervise le travail des éboueurs répartis le long du large trottoir. Tel un ballet de rue, la caravane des véhicules se met en branle selon une procédure bien établie. Le premier groupe de balayeurs réunit les déchets et regroupe les tas déjà constitués, bientôt chargés à bord des camions-poubelles déployés pour l’intervention. Une machine équipée de brosses se charge d’aspirer les résidus et d’asperger d’eau le trottoir. Un lancier ferme la marche pour rendre l’espace public aux habitants. Le nettoyage aura duré moins d’une heure.




Le marché de Lecourbe est modeste comparé à celui de Grenelle que nous découvrons le lendemain après-midi. Deux stations de métro délimitent ce marché alimentaire et d’habillement, situé entre Dupleix et La Motte-Picquet. Au même rythme que la veille, les équipes d’éboueurs, deux fois plus nombreux, se répartissent le travail de part et d’autre du boulevard pour nettoyer l’esplanade couverte par le métro aérien.
Dépôts sauvages et travail d’équipe
Plus tôt dans la journée, embarqués à bord d’un camion, nous avons suivi le parcours de Olivier accompagné de Fayez, nouvellement promu chef. Les deux hommes effectuent le ramassage des encombrants. « Les encombrants, ce sont des adresses données par les riverains au 39-75. On leur donne un numéro et ils déposent en bas de chez eux. Nous, on a un retour par logiciel avec les adresses. En général, le dimanche, ce sont des encombrants sauvages, sans adresse. C’est ce que l’on appelle des clandestins. Chaque enlèvement prend en moyenne douze minutes. Le temps de le trouver, de s’arrêter et de charger… Et après, on passe systématiquement à la décharge » détaille Fayez.




La musique de la radio se diffuse par les fenêtres ouvertes. Assis dans leur cabine, les deux agents scrutent la rue à la recherche des objets signalés. « Quelquefois, on se déplace pour une télé et on découvre un lit… Ça prend donc plus de temps. Parfois c’est le contraire. La télé a été démontée ou tirée par un passant. Quand il s’agit d’un matelas mouillé, c’est une autre histoire. Un matelas de 30 kilos en fait 300 quand il est mouillé. Pas facile à déplacer, reconnaît Fayez. Ça fait presque de nous des déménageurs » « Ou Darty ! » lance en riant son collègue.
Un dépôt sauvage est repéré au coin de la rue. La palette abandonnée au pied d’un panneau de signalisation finira à la déchetterie comme le reste du chargement. L’heure tourne et le marché, vidé de la moitié de ses clients, attend d’être nettoyé. Les commerçants font place nette pour laisser les équipes intervenir. Le ballet de la veille recommence.


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